samedi 7 mars 2009

Entretien avec François Garidel, spécialiste en graffiti/post graffiti

Pour approfondir mes recherches sur le Street Art en ventes publiques je me suis tournée vers un spécialiste en Graffiti/post-graffiti, François Garidel, 24 ans, salarié de l’étude de commissaires priseurs Millon-Cornette de Saint Cyr, à Paris. Etant lui même issue de la vague Street Art des années 90, son point de vue et ses connaissances ont fait la lumière sur beaucoup de mes lacunes en matières d’art urbain. De plus, avec son homologue, David Benhamoun, très connu du milieu car ex-grapheur issue de la première vague Street Art et créateur du site http://maquis-art.com/, il a récemment mis en place un nouveau département chez Millon-Cornette de Saint Cyr : le département Street Art.

Comment votre projet a pu voir le jour ?
C’est Maître Alexandre Millon qui a rendu possible ce projet grâce notamment à son esprit moderne et à sa vive curiosité face à une discipline que l’on dit nouvelle. Car en réalité, le street art a un passé bien concret et ancré dans l’histoire. C’est une discipline qui a au moins 30 ans ! Elle a d’ailleurs connu différentes vagues d’artistes.
En reparlant avec Maître Millon, nous nous sommes donc mis d’accord sur l’idée que si il y a une historicité il y a théoriquement collectionneurs. En d’autres termes, il y a un lien logique qui pousse cette discipline vers le milieu du marché de l’art.
Avec le succès du département bandes-dessinées, qui est une discipline dans le marché de l’art assez émergente, Maître Millon a perçu le plus d’un tel département que le Graffiti dans une maison de ventes aux enchères. Comme pour la Bd, on part du principe que si l’offre est intéressante, il y a une réelle demande derrière. Et l’offre est intéressante ! Car on a une telle richesse de production que de nouveaux collectionneurs verront le jour.

Quelles sont pour vous les qualités essentielles que doit avoir une maison de vente si elle veut pouvoir arriver à développer un tel département ?
Beaucoup de maisons de ventes ont testé cette discipline mais très peu ont réussit à percer par manque de médiation je dirais. Pour réussir à bien vendre, je pense qu’il faut avoir une compréhension globale du sujet.

Quand est-il de votre première vente ? Les artistes ont –ils coopéré ?
Elle est prévue fin mai début juin. Réunir différents artistes pour cette vente n’a pas été de tout repos car il a fallut faire des choix, parfois les grapheur étaient complètement d’accord parfois on s’est pris des refus catégoriques. Mais ayant un pied dans le milieu, avec Davis nous avions la chance d’avoir déjà un bon carnet de contacts et d’adresses.

Les artistes ont fait des toiles spécialement pour cette vente ou vous ont-ils confié des œuvres plus anciennes ?
Cela dépend des artistes. Certains nous ont confiés des œuvres qui datent d’autres ont réalisé des toiles pour l’occasion. On a par exemple la première « Explosion » sur toile de Crash qui date de 1981 !

Quels sont les objectifs et les buts de ce département ?
On part sur 2 ventes par an. Après on a un réel souci de fidéliser le collectionneur et bien sur on cherche avant tout à faire découvrir de nouveaux artistes, à leur créer une visibilité. Ce qui est assez curieux d’ailleurs, c’est que toute une génération qui a grandi au milieu des graffitis se retrouve en âge de devenir collectionneur. C’est assez motivant !

On peut penser qu’il y a quand même un paradoxe entre la notion de Street Art et l’image plus concrète de la salle de vente. Quand est-il ?
Premièrement, il y a une réelle difficulté à nommer ce milieu. On est passé de Graffiti à post-graffiti à Street Art à Urban art et très récemment j’ai découvert un nouveau terme : Urban Contemporary. La nomination n’est donc pas très claire.
Deuxièmement, je pense que le travail de l’artiste est aussi de s’adapter avec le temps. Passer de la rue à la toile est une décision de l’artiste seul. Ce n’est pas une évidence, il y a des grapheurs qui viennent tout juste de découvrir la toile !
Pour dépasser cette idée reçue, le Graffiti n’est qu’art de la rue, il faut travailler avec des grapheurs et leur laisser le fin mot de l’histoire.
Au delà de la motivation du caractère illégal de cette pratique, il y a un fondement crucial, celui de la recherche de visibilité. Le grapheur dans la rue cherche a rendre visible son nom d’où l’utilisation de métros, trains, camionnettes comme support. Ces supports là sont en mouvement, font circuler l’image par la même occasion. A travers les collections, les galeries, les ventes aux enchères, le grapheur continue sa démarche jusqu’à se retrouver dans l’intimité même des gens, chez les gens ! C’est une suite logique à l’art du Graffiti : s’exprimer librement, promouvoir et donner de la visibilité à un artiste.

Esther

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