Le marché de l’art contemporain chinois est –il sain ?

Suite à mon article sur les artistes chinois, j’ai voulu étudier plus profondément la question vu les sommes considérables que ces artistes génèrent sur le marché de l’art.

J’ai donc interrogé Monsieur Jean François Roudillon, Directeur de la Galerie Loft, qui a bien voulu me répondre.

La Galerie Loft expose l’art contemporain depuis plus de 20 ans. Depuis 1999 la galerie est spécialisée dans l’art contemporain chinois pour lequel elle est un des acteurs les plus actifs du marché.

En dehors des expositions de ses artistes chinois qu’elle organise dans son espace de Paris, Loft organise de nombreuses manifestations à caractère culturel dans des musées et fondations internationales (expositions déjà réalisées en France, Hong Kong, Macau, Brésil, Portugal).
Disposant d’une banque de données très étendue (comme le témoigne le site internet de la galerie) Loft collabore en Europe avec de nombreux journaux et magazines (le Monde Diplomatique, Les Echos, le Figaro, Paris-Match, le Point, l’Express, Beaux-Arts Magazine, Art Press, Art Actuel, Modern Painters, Art and Auction…) et a effectué des prêts d’œuvres chinoises auprès de plus de 25 musées dans les 6 dernières années.

Loft a édité de nombreuses publications, articles, livres et catalogues. Reconnue comme l’une des galeries majeures pour l’art contemporain chinois, elle participe comme invitée aux grandes manifestations (biennales de Shanghai, de Pékin, de Chengdu, de Hong Kong, triennale de Canton et de Nankin, symposium de sculpture de Shenzhen, biennale de l’encre de Shenzen,…) ainsi qu’aux conférences internationales sur l’art contemporain chinois : British Museum-Avril 2002, Université de Stanford-Janv. 2005 …

Depuis combien de temps avez-vous votre galerie ?
25ans

Vous êtes-vous tout de suite spécialisé dans l’art chinois ?
Non, pas tout de suite. On peut dire que l’idée s’est construite à la mort de Mao Zedong car il fallait que le pays s’accommode. Le découverte de l’art contemporain chinois a commencé à la fin des années 80 et l’on peut dire qu’il y a eu un réel engouement qu’à la fin des années 90.

Et vous, vous y êtes-vous intéressé tout de suite ?
En fait, j’ai découvert l’art chinois grâce à un ami, un véritable passionné, Jean Marc Ducros. avec qui je me suis finalement associé. Nous avons commencé sur le marché de l’art contemporain chinois alors qu’il n’y avait rien de tel à cette époque. En 1999, c’était encore peu connu sur le marché, ça ne valait rien. Pendant 3/4 ans les artistes chinois étaient très accessibles, encore en 2002, c’était très bon marché, puis les cotes sont montées de plus en plus pour enfin exploser littéralement aujourd’hui.

Comment sélectionnez-vous vos artistes ? Vous rendez-vous directement en Chine ?
C‘est vraiment la question universelle. Comment fabriquer l’or ? Il n’y a pas de recette en soit, on ne demande pas à un cuisinier comment il fait pour réussir son plat. Il n’y a pas de recette absolue. Il faut savoir reconnaître, sentir les œuvres mais bien plus il faut que cela soit passionnel car au delà du marché, la peinture contemporaine c’est une passion, on aime ou on n’aime pas. Alors quand vous aimer un artiste c’est qu’il a quelque chose à vous dire, il vous touche, il se passe quelque chose lorsque vous regardez l’œuvre. On va dire que c’est sur cette sélection que ce fait la sélection. Pour répondre précisément, sélectionner un artiste, c’est peux être un peu prétentieux mais ça se passe dans les 5 secondes, après seulement vient l’analyse.

Que pensez-vous de l’émergence de l’art contemporain chinois ?
C’est une suite logique, c'est-à-dire qu’on parle d’émergence parce que c’est un fait qui se produit, donc on s’interroge. La Chine est en pleine expansion et en pleine industrialisation, elle est dans une phase d’éveil intellectuel. Les chinois vivent dans une certaine révolution de consommation qu’ils ne connaissaient pas avant tout comme l’Amérique qui a découvert la société de consommation, le coca cola... Actuellement la Chine explose, les artistes contemporains sont les témoins de cette époque charnière, ils vont créer leur Pop Art, c’est le moment où les artistes vont témoigner de ce changement. Même si il y peut y avoir une ressemblance avec le Pop Arts américain, ce n’est pas le même siècle ni la même société, les artistes chinois ont donc une perception différente. Et pourquoi l’art contemporain a explosé comme ça ? Parce que les gens ont pris conscience que nous étions à une époque charnière, cela se révèle seulement maintenant au vu des ventes aux enchères de ces derniers mois. Donc un beau tableau, d’un vrai artiste qui a du talent appartient à ce moment charnière, à ce moment de l’histoire important.

Est-ce que vous pensez que ce marché peut s’ouvrir en France ?
Mais il est déjà ouvert en France ! Il y a plein de français qui achète en France des artistes chinois. Le marché est jeune, il évolue rapidement, c’est assez effrayant car jamais dans toute l’histoire de l’art contemporain il n’est arrivé ce qui arrive en ce moment à la Chine. Mais c’est ça aussi la Chine, ils ont une autre conception qui fait que comme tout va vite, l’art contemporain va vite, l’architecture va vite…

Pensez-vous que le marché est sain ? N’y a-t-il pas un phénomène de spéculation ?
Dans tous les marchés où il y a de l’argent, il y a toujours de la spéculation. En mettant de côté l’aspect économique de ce qui s’est bien vendu, ce que je connais de la peinture contemporaine chinoise, c’est un petit cercle d’artistes avec du talent, il y en a un peu plus d’une dizaine qui sont déjà reconnus. Aujourd’hui les artistes chinois sont vraiment connus, ils gagnent beaucoup d’argent mais ils ne disparaîtront pas car au delà de l’argent qu’ils génèrent, ils ont un vrai talent, ce sont des valeurs sures.

Donc vous pensez que c’est un marché qui va rester sur le long terme ?
Non seulement il va rester mais en plus il sera exponentiel dans l’avenir. C’est un marché qui n’est pas encore à son apogée étant donné que les chinois n’achètent pas pour le moment . Tous les artistes contemporains sont achetés par des étrangers mais quand les chinois vont se réveiller, le marché ne sera pas le même. Il y a un moment où ils vont se décider à acheter car aujourd’hui il y a beaucoup de musées en construction en Chine et il va bien falloir les remplir. Dans 5 ou 10 ans, quand la nouvelle génération, qui aura vécu tous ses changements, voudra acheter des œuvres, le marché aura grandi. Actuellement la peinture contemporaine chinoise, on dit qu’elle vaut très chère mais elle vaudra encore plus chère dans le futur car même si cette cote peut baisser avec la crise, dans 10 ans elle en vaudra 10 fois plus.

Mais cela va-t-il être un marché durable ? N’y a-t-il pas le risque que le marché retombe aussi vite qu’il est monté ?
Bah non, non les bons vont rester, c’est systématique ! Parce que dans 30/40 ans, ils vont vieillir et certain vont mourir donc leur cote va monter. Un artiste ce n’est pas un produit, l’œuvre d’art, elle, elle reste là, elle est bien là. La Joconde ou un Raphaël, on les voit, on le sait si c’est beau ou pas, on n’apprécie ou pas. Alors quand une œuvre d’art est une œuvre réussie, on pose a côté de cette qualité artistique, un prix et il n’y a pas de raison que ce prix baisse.

Pensez-vous que l’émergence de la popularité des artistes Chinois va changer générer des changements dans la politique culturelle, et chez les Chinois ?
Je crois qu’ils ne rendent pas compte. Il n’y a pas de vrai prise de conscience culturelle dans le pays, les chinois sont un peu dépassés, ça va trop vite pour eux. Le gouvernement ne perçoit pas encore très bien cette popularité mais cela va changer dans peu de temps, peut être dans l’année ou dans les 5 ans. Il va y avoir un réel changement, c’est proche mais pas encore là.

Julie

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